Voyage sensoriel et patrimonial au cœur du Beaujolais

21/07/2025

Évolution d’une terre aux mille visages : le Beaujolais à travers les siècles

Le Beaujolais est une terre d’histoires multiples, une mosaïque dont chaque fragment raconte un siècle, une aventure, une alliance. On connaît la saveur espiègle du gamay, mais sous la vigne pulsent d’autres racines. Le nom « Beaujolais » vient de la seigneurie de Beaujeu, qui donna son élan à la région dès le Moyen Âge et légua son blason à ce territoire. L’agriculture, la viticulture et le commerce y ont tour à tour modelé les paysages (source : beaujolais.com).

À l’époque gallo-romaine déjà, on cultivait la vigne sur les buttes ensoleillées. Les premiers écrits mentionnant le vin beaujolais datent du Xe siècle ; ils illustrent l’ancrage du vin comme monnaie d’échange et élément liturgique. Le Moyen Âge sera décisif : en 957, la première mention du « Vitis » (la vigne) dans le cartulaire de l’abbaye de Cluny marque le début d’une longue tradition, solidifiée par les moines et les châtelains.

La Renaissance, puis l’arrivée du chemin de fer (1854 à Villefranche-sur-Saône) ouvrent de nouveaux horizons commerciaux. Le Beaujolais se veut une escale gourmande sur l’axe Paris-Lyon, attirant voyageurs et commerçants, et propulsant ses vins à la table des grandes villes. La notoriété du Beaujolais Nouveau, lancée après la Seconde Guerre Mondiale, n’est qu’un chapitre récent d’une saga qui a toujours su conjuguer tradition et innovation.

Vestiges et témoins du temps : monuments historiques à ne pas manquer

Certains lieux incarnent l’âme du Beaujolais. Parmi les monuments emblématiques, impossible de passer à côté de la collégiale Notre-Dame des Marais à Villefranche-sur-Saône, chef-d’œuvre gothique dont la façade sculptée évoque souvent les églises bourguignonnes.

Le château de Jarnioux surprend par son allure médiévale, sa position stratège sur le vallon, et sa jolie teinte ocre. À Oingt, le donjon domine le village, rappelant la vie de garnison et les sièges qui façonnèrent la région.

  • Église Saint-Nicolas de Beaujeu, témoignage rare de l’architecture religieuse du XIIIe siècle.
  • Porte de la Barmondière : un vestige des remparts de Villefranche, vestige du passé défensif de la ville
  • L’Hôtel-Dieu de Villefranche et ses apothicaireries remarquables, témoins de la médecine et de la charité d’antan.

Les villages de pierres dorées : une lumière, une histoire

Le Sud du Beaujolais possède une particularité magique : ses villages resplendissent d’une lueur dorée, chaude et ocre, unique à la région. Cette couleur ne doit rien au hasard. Extraction locale oblige, le calcaire à haut niveau d’oxyde de fer a façonné maisons, églises et murets dès le Xe siècle (source : Office de Tourisme Beaujolais).

Oingt, Ternand, Châtillon, Theizé… Autant de noms qui évoquent la douceur des lumières d’automne. C’est un patrimoine bâti sur la pierre, souvent daté du Moyen Âge, et qui continue d’inspirer peintres, promeneurs et photographes. Ces villages font partie de l’association « Les Plus Beaux Villages de France ».

L’identité viticole, pilier du patrimoine beaujolais

La viticulture est la colonne vertébrale du Beaujolais. Dès le XIVe siècle, le « Vin de Beaujolais » est reconnu ; au XVe, Philippe le Hardi protège le gamay, cépage emblématique, envers et contre tout. Aujourd’hui, le vignoble couvre près de 16 000 hectares, sur une cinquantaine de kilomètres, et irrigue la vie sociale, culturelle et économique de toute la région.

Les traditions persistent : vendanges manuelles, pressoirs anciens, fêtes villageoises autour du vin nouveau. Les caves voûtées racontent l’histoire d’une transmission, de parent à enfant, d’artisan à artisan. On y goûte, au détour d’une barrique, le fruit du climat, du labeur et de l’expérience. Les chais, les lavoirs à vendange, et certains anciens outils (coquillard, griffe, etc.) sont aujourd’hui préservés, parfois exposés dans de petits musées locaux.

Figures marquantes et bâtisseurs du Beaujolais

De la grande histoire à l’anecdote de village, le Beaujolais a toujours été le théâtre d’initiatives individuelles. Les seigneurs de Beaujeu, dès le Xe siècle, posent les premières pierres de l’organisation territoriale. Plus près de nous, Victor Vermorel, natif de Vaux-en-Beaujolais (Villie-Morgon), industriel et député, fondera le Musée du Vin de Beaujolais qui porte aujourd’hui son nom, participant à la transmission du patrimoine régional (source : Musée du Vin du Beaujolais).

Nombre de grands négociants, comme Georges Duboeuf ou la famille Bouchacourt, ont contribué à diffuser la renommée des crus et à structurer la filière. Sans oublier les nombreux abbés, moines clunisiens, artisans et vignerons anonymes : l’histoire du Beaujolais est avant tout un récit collectif.

Richesse castrale : les châteaux qui racontent le Beaujolais

Le Beaujolais est semé de châteaux. Certains, privés, d’autres visitables, racontent les guerres, les amours, l’économie et l’architecture militaire de la région.

  • Château de Montmelas : silhouette romantique, posé sur les hauteurs, mondialement connu pour ses étiquettes de Beaujolais-Villages.
  • Château de Corcelles : remarquable ensemble Renaissance et médiéval, ouvert à la visite et à la dégustation de vins AOC.
  • Château de La Chaize : inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments historiques, célèbre pour ses jardins signés Le Nôtre.
  • Château de Bagnols : hôtel de prestige mais aussi site classé, typique des grandes demeures du Lyonnais.

Ce sont plus de 150 châteaux et maisons fortes qui jalonnent le territoire du Beaujolais (source : Association Châteaux du Beaujolais).

Histoire et langage : la toponymie des villages

Les noms des villages du Beaujolais sont autant d’indices sur leur histoire. Le suffixe « -en-Beaujolais » désigne une appartenance administrative sous l’influence de Beaujeu. Les racines latines abondent : « Montmelas » (mons mollis, la colline douce), « Saint-Étienne-des-Oullières » (olla, poterie, en référence aux fours gallo-romains). Certains noms gardent mémoire de leur vocation première : « Vaux-en-Beaujolais » évoque les vallées, « Blacé » tiendrait son nom du propriétaire gallo-romain Blaccius.

La toponymie est aussi marquée par le passage du commerce et des voies fluviales : « Belleville » (bela villa, belle demeure), « Gleizé » (eglésia, église), autant de repères pour qui sait lire la carte et s’imprégner des époques traversées.

Sites classés et pépites du patrimoine beaujolais

Le Beaujolais est riche de 126 monuments inscrits ou classés au titre des Monuments Historiques (source : Ministère de la Culture, base Mérimée, 2023). Parmi eux :

  • La chapelle romane de Saint-Bonnet à Montmelas
  • La Grande porte d’Oingt
  • Le Château de Prissé
  • L’aqueduc du Gier, ouvrage gallo-romain exceptionnel

Tous ces sites témoignent de siècles de foi, d’innovations architecturales et d’échanges commerciaux.

Patrimoine religieux : pierres et spiritualité

Le patrimoine religieux façonne l’identité du Beaujolais. Depuis les prieurés clunisiens jusqu’aux chapelles simples du XVIIIe, la foi s’est inscrite dans la pierre et la vie sociale. Les processions de la Saint-Vincent, patron des vignerons, restent des temps forts dans nombre de villages.

Les abbayes, comme celle de Cluny (qui, bien que située en Bourgogne, influença profondément le Beaujolais), grossirent le savoir-faire viticole. Le patrimoine religieux, c’est aussi la symbolique de la croix de mission, présente à l’entrée de nombreux villages, et l’art des vitraux locaux représentant la vigne et la vie de village.

Itinéraires et échanges : le souvenir des routes commerciales

La mémoire du Beaujolais ne serait pas complète sans évoquer les anciennes routes commerciales. Dès l’époque romaine, la Vallée de la Saône est un axe vital. Les vins beaujolais transitaient vers Lyon, Mâcon, puis par le Rhône jusqu’à Avignon et Marseille.

La Route Bleue (RN6) et la ligne de chemin de fer ont transformé le commerce au XIXe et XXe siècles, permettant l’essor du Beaujolais Nouveau, expédié dans 110 pays aujourd’hui. Certains sentiers, comme celui des GR de pays du Beaujolais, empruntent d’anciennes voies utilisées par les muletiers ou les marchands. Souvenirs, encore, de la Poste aux chevaux et des relais dispersés sur la « Route des Villages en Pierres Dorées »…

Un patrimoine vivant, une invitation à la découverte

Du vignoble ondoyant aux pierres dorées, du tintement des cloches aux fêtes de village, le Beaujolais s’explore comme un livre ouvert. Passionné par ses traditions, attentif à ses héritages, ce territoire invite à l’émerveillement et au partage, entre rencontres humaines, balades sensorielles et plongées dans l’histoire. Prendre le temps d’admirer un château, de questionner un nom de village, de goûter un vin dans un caveau séculaire… : c’est toucher du doigt l’âme d’une région où chaque pierre, chaque vigne, chaque sourire porte la mémoire des siècles.

Sources : Beaujolais.com, Office de Tourisme du Beaujolais, Association Châteaux du Beaujolais, Ministère de la Culture – Base Mérimée, Musée du Vin de Beaujolais, Destination Beaujolais

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