Quand novembre s’habille de pourpre, c’est toute la région du Beaujolais qui frémit d’impatience à l’idée de célébrer sa tradition la plus fervente : la fête des Sarmentelles à Beaujeu. Mais quelle est la véritable portée de cette manifestation ? Plus qu’une simple célébration du Beaujolais Nouveau, elle incarne le cœur vibrant d’un territoire, son histoire collective et ses savoir-faire, rassemblés autour d’un rituel à la fois authentique, festif et profondément humain.
Petit retour en arrière : c’est en 1989 que naissent officiellement les Sarmentelles de Beaujeu, épicentre officiel des festivités liées au Beaujolais Nouveau. Le nom lui-même est une contraction joyeuse entre “sarment” — la fameuse branche de vigne utilisée pour flamber le vin et grillades — et “sentelles” : les étincelles qui jaillissent lors de cette flambée nocturne. Ce geste est bien plus qu’une image : chaque année, lors de la nuit du troisième mercredi de novembre, dès 18h, Beaujeu embrase ses rues, enflamme les cœurs et réunit toute une communauté autour d’une tradition millénaire (source : Office du Tourisme du Beaujolais).
Au-delà de l’effervescence, les Sarmentelles sont un trait d’union entre hier et aujourd’hui, où les musiques de rues croisent les lampions des enfants, où la “marche aux flambeaux” initie petits et grands au rituel du partage. Ici, la fraternité a un goût de pinot noir, la transmission passe par les gestes : préparer les sarments, les entasser dans la grande cuve, allumer la flamme… Ce sont parfois plus de 2 tonnes de sarments qui crépitent, pour embraser le futur millésime dans une lumière dorée.
Difficile d’imaginer que le Beaujolais Nouveau, ce vin primeur expédié dans plus de 110 pays pour 2023 (OIV), trouve sa rampe de lancement la plus authentique à Beaujeu. Ici, “on le goûte là où il est né” murmure-t-on sur la place du marché, en compagnie de vignerons fiers de faire découvrir leur nouveau jus aux curieux de passage. Tandis que Paris ou Tokyo célèbrent le Beaujolais Nouveau dans l’anonymat, Beaujeu perpétue la tradition : le tonneau percé à minuit, la dégustation officielle à la bougie, les chants bourguignons qui claquent sous la voûte étoilée. Un moment suspendu.
Autre raison pour laquelle les Sarmentelles séduisent : leur capacité à fusionner les saveurs du terroir avec la création contemporaine. Il n’est pas rare d’y croiser une Brigade de Chefs, venus proposer des accords mets-vins audacieux pendant le réputé “Dîner Gala” du jeudi soir : en 2023, 700 convives et 8 chefs étoilés s’étaient prêtés au jeu (source : site officiel Sarmentelles). Place alors à la truffe noire, au foie gras poêlé, au suprême de volaille fermier, rehaussés d’un cru local, dans une salle comble où le partage du pain tient du sacré.
Aux Sarmentelles, la présence de nombreux vignerons ne doit rien au hasard. On y (re)découvre la passion derrière chaque bouteille. Les domaines locaux révèlent leurs histoires, parfois sur cinq, six générations, prêts à vous ouvrir les portes de cuvages centenaires ou d’expliquer l’effet du granite sur les arômes de gamay.
Les jeunes vignerons, quant à eux, présentent souvent leurs premières cuvées, profitant de cette vitrine pour gagner reconnaissance et clientèle. L’événement agit comme un pont entre tradition et innovation, favorisant les circuits courts et la vitalité économique de la région : plus de 70 domaines participent à chaque édition (source : Comité des Sarmentelles).
Loin du folklore touristique, la fête des Sarmentelles de Beaujeu cultive ce supplément d’âme : un moment collectif, sensoriel, où l’on vient autant pour la magie que pour la fraternité. Ici, la convivialité n’est pas qu’un mot : c’est une philosophie, transmise de génération en génération, qui se lit dans les regards, s’entend dans les chansons et se déguste dans chaque verre tendu.
Assister à cette fête, c’est renouer avec le sens du partage, de la terre et de la transmission. Entre braseros, tables d’hôtes improvisées et lampions qui dansent, les Sarmentelles offrent à chaque automne un condensé de ce que le Beaujolais a de plus précieux : la passion, l’accueil et l’art de savourer ensemble le temps qui passe.
Pour en savoir plus : L’Essor Rhône, Sarmentelles.fr, Le Progrès, Inter Beaujolais.