Le Beaujolais n’est pas seulement une terre de vignes et de vins : c’est aussi un berceau de lumière, où l’architecture villageoise semble cueillir le soleil, inspirer la convivialité et l’émerveillement. Tout cela, on le doit aux fameuses "pierres dorées", ces calcaires flamboyants qui parent maisons, châteaux et églises d’une couleur chaude, oscillant du blond pâle à l’ocre intense. Qui n’a jamais roulé sur ces routes sinueuses, par un soir de juin, n’a pas encore compris ce que veut dire "lumière dorée du Beaujolais".
Mais d’où vient cette lumière si singulière ? Le secret réside dans l’histoire géologique de la région. Issu de sédiments marins déposés il y a plus de 160 millions d’années pendant le Jurassique, ce calcaire oolithique est riche en fer et en oxydes minéraux, ce qui explique sa couleur chaleureuse. À Charnay, Theizé, ou Oingt, chaque pierre semble raconter un récit vieux de plusieurs ères.
Du "petit Versailles du Beaujolais" à l’écrin de la "Route des Crêtes", ce sont trente-neuf villages qui composent l’ensemble des villes et villages des Pierres dorées. La plupart sont perchés sur des collines, offrant des panoramas éblouissants sur les rangs de vignes et le Mont Brouilly à l’horizon. Parmi eux, Oingt (classé parmi les "Plus Beaux Villages de France"), Theizé, ou encore Châtillon-d’Azergues, se dressent comme autant de balises lumineuses.
Impossible de s’y perdre sans tomber en arrêt devant une fontaine, un mur de cabornes, des linteaux sculptés... ou même un pigeonnier humble mais auréolé de lumière.
Les maisons et monuments construits en pierre dorée possèdent une unité visuelle rare en France. Cette homogénéité crée une harmonie parfaite entre constructions humaines et paysages naturels, comme si la pierre était née exprès pour épouser les lignes douces des collines.
L’intensité de la couleur varie d’un village à l’autre, en fonction de la composition de la pierre extraite localement, allant du jaune paille à l’orange profond.
L’effet visuel des pierres dorées atteint son apogée aux heures dorées du matin et du soir. À ces moments, la lumière du soleil rasant joue avec la matière : les façades semblent s’embraser, les rues se parent de reflets changeants. À Oingt, les ruelles médiévales prennent parfois l’allure d’un décor de théâtre. À Charnay, la place du village prend des allures de tableau impressionniste.
La magie se joue donc autant dans la pierre elle-même que dans l’alchimie subtile entre soleil, climat et patrimoine.
De la carrière au chantier de restauration, la pierre dorée incarne un savoir-faire ancestral. Les premières traces de son exploitation remontent au Moyen Âge : on retrouve des marques de tâcherons sur certains linteaux d’Oingt ou de Theizé. Jusqu’au début du XX siècle, la pierre était extraite localement à la pioche ou au pic, souvent à flanc de coteau.
La pierre dorée, facile à travailler mais résistante, a façonné l’identité collective : de nombreux bâtiments publics, écoles et mairies du Beaujolais témoignent de cette empreinte.
Ce patrimoine unique attire chaque année des milliers de visiteurs. La "Route des Pierres Dorées", un itinéraire de 24 km entre Lozanne et Villefranche, est aujourd’hui une destination prisée pour l’œnotourisme, les balades à vélo ou à pied, et la photographie.
Au fil des saisons, la pierre dorée révèle mille nuances : le pastel du matin, le miel sous le zénith, la braise à la tombée du jour. Partir à la découverte de cette matière, c’est goûter à la fois à un art de vivre, à une culture façonnée dans la lumière et la convivialité, où le patrimoine bâti fait corps avec la terre et les hommes. Les pierres dorées, c’est tout un territoire qui s’exprime, relie passé et présent, en invitant à s’attarder, s’émerveiller… et, qui sait, à découvrir le Beaujolais autrement.